Des nouvelles du tome 2 du cœur de l’Oealys

Je m’étais donnée comme objectif cette semaine de terminer le chapitre 12. Après avoir passé tellement de temps, les trois premiers jours, à lire, relire et corriger que j’ai à peine avancé d’un paragraphe, ce n’était pas gagné. Enfin, j’ai dû mettre la fin de semaine à contribution, mais j’y suis arrivée! Au suivant! Et attendant, un petit extrait pour fêter ça!

 

Extrait de la nouvelle reine, chapitre 12

Après deux jours d’orgueil obstiné, les Larsat avaient épuisé leurs vivres. J’épargnai à Gabriel l’humiliation de quémander et pris l’initiative d’une halte aux abords d’une ville. Nous réapprovisionner en produits frais ne nous ferait pas tort, de toute manière. Cette tâche incombait à Paul. Seul, il se faisait moins remarquer. Tandis que je discutai avec lui de la liste des achats à effectuer, des pensées jaillissaient de-ci de-là, me rappelant de ne pas oublier tel ou tel item. Je levai les yeux au ciel, amusée.

– Autre chose?

– Si tu savais!

Il rigola.

– Je crois deviner. Ne t’inquiète pas, ça va aller.

– J’ai confiance. Toutefois, je te préviens. Si tu ne rapportes pas une bouteille de sirop de framboise, Carmelle t’obligera à y retourner.

– Hum… Y avait-elle déjà goûté avant la semaine dernière?

– Non! Alors tu n’as que ce que tu mérites!

Il pouffa de rire en m’embrassant.

– Je vais au marché.

Jambes écartées et bras croisés, Gabriel se souciait peu de nous interrompre. Il braquait son regard sur moi, me mettant au défi de m’y opposer. Je haussai les épaules, indifférente.

– À votre gré.

L’ignorant ostensiblement, je prélevai des pièces dans ma bourse et les remis à mon amant. À la vue de la somme, Gabriel déglutit. Il n’en avait pas tant. Il n’en avait jamais vu autant. Peut-être… Non! Il fit sèchement demi-tour et s’éloigna d’un pas lourd et décidé, qui le devint de moins en moins. Il devait se rendre à l’évidence, ses présomptueuses résolutions partaient à vau-l’eau. Son pécule lui avait semblé bien garni et réconfortant. Certes, quelques jours de voyage y prélèveraient un tribut. C’était le prix à payer pour se bâtir un avenir et il l’acceptait. Il lui en resterait toujours bien assez pour s’installer. N’est-ce pas? La somme dont il disposerait… dépendrait de la durée du trajet. Il n’avait pas vraiment porté attention à l’emplacement du Sanctuaire. Une erreur qu’il avait corrigée à son plus grand désarroi. C’était si loin! Lui resterait-il la moindre piécette? Puis, Agathe lui avait asséné le coup de grâce. Nous n’allions pas dans la bonne direction. Il n’était plus certain de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille jusqu’au bout. Ils seraient obligés de se rationner, à tout le moins. Devait-il bénir sa sœur de ne pas s’être mise à sa charge ou la maudire de ne pas partager leur lot? Il n’osait répondre à la question, de crainte de déplorer de l’avoir retrouvée. Pourtant, les Dieux en étaient témoins, il l’avait pleurée… Pendant ce temps, je dépensais sans compter, sans rime ni raison. Des choix désastreux, coûteux, inadaptés à un long déplacement. Paul ne devait pas savoir ce qu’il faisait, ni négocier correctement, pour avoir besoin d’autant d’argent. Peut-être était-ce là la solution! S’il lui prodiguait ses judicieux conseils et apportait une contribution significative à notre quotidien, il pourrait profiter de mes largesses sans arrière-pensées. Revigoré, il souriait lorsque Caramiel arriva à sa hauteur. Paul mit pied à terre et ils firent le reste de la route ensemble.

La place du marché était joyeuse et animée. Les marchands derrière leur étal attiraient les chalands en vantant leurs produits. Un homme jouait de la flûte, une écuelle posée à ses pieds. En périphérie, la plupart des boutiques ne fermaient pas leur porte, permettant à l’air doux et frais d’y pénétrer. C’était une débauche de sons, de couleurs et d’odeurs. Tirant Caramiel par la bride, Paul se faufila dans la foule, Gabriel sur ses talons. Il dédaigna babioles, colifichets et légumes racines, précieusement conservés au cours des mois d’hiver, et s’arrêta devant un éventaire où une jeune femme exposait les premières pêches de la saison.

– Combien pour un petit panier?

Gabriel l’attrapa par le bras. Il fit mine de vouloir l’éloigner, mais n’obtenant aucun résultat, il se résolut à lui murmurer à l’oreille.

– Ce n’est pas une bonne idée. Ces fruits sont fragiles et…

Sans tenir compte de son intervention, Paul conclut la transaction. Il ne marchanda même pas!

– Ne vous inquiétez pas tant.

Il en fut ainsi partout. Chacune de ses suggestions fut rejetée. Cet homme était-il donc borné? Ne pouvait-il saisir la saine logique de choisir un pain noir, plus durable et économique, à ce pain blanc, certes savoureux, mais si périssable? Apparemment non… Gabriel rendit les armes lorsque Paul lui annonça son intention de se rendre chez le pâtissier et le confiseur. Il avait échoué. Il n’était pas de taille à lutter. Il soupesa sa bourse avec un soupir.

– Je vous laisse, dans ce cas. Je dois aller faire mes courses.

– Je puis vous accompagner, si vous le souhaitez.

– Non, ça ira. Merci quand même.

Que lui aurait procuré sa compagnie? Des remontrances, de la compassion ou de la pitié? Il n’en voulait pas. Il saurait se débrouiller. Il le devait…

Adieu ses espoirs de revenir en héros, ou presque. Avec une miche de pain noir, un fromage dur et un saucisson sec, son sac ne pesait pas lourd. Il pendait au bout de son bras, se balançant vaguement au rythme de ses pas lents. Il était abattu. Il entrevoyait déjà les reproches dont l’accableraient son épouse et son frère. Un bruit inopiné le tira de ses réflexions moroses, le rire joyeux de ses filles. D’autorité, Marie-Pier avait réuni tous les enfants autour d’elle. Elle avait transformé l’attente en une plaisante récréation. Ils avaient couru, s’étaient amusés, avaient joué. Assise dans l’herbe avec eux, elle leur racontait maintenant une histoire. Tous avaient entre les mains un fruit et un gâteau. Gabriel observa les menottes et les mentons poisseux de jus de pêche, les petites frimousses barbouillées de sucre glace. Il baissa la tête et alla ranger ses emplettes. Ce soir-là, je déposai furtivement des poissons et des légumes près de leur feu. Je ne dis rien. Ils ne me remercièrent pas. Comme si le silence rendait mon « aumône » plus acceptable.


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