Je l’ai souvent dit, une critique littéraire est un équilibre délicat entre objectivité et subjectivité. Mais, est-ce que c’est toujours possible d’y arriver? C’est une question qui a été soulevée par ma dernière lecture. En service presse, donc, je viens de lire 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon et en remerciant l’auteure de sa confiance, je vous en parle!
Synopsis
En 2489, la terre sera détruite. La fin de notre planète sera causée par des anomalies sur la ligne temporelle. Afin de l’éviter, une agence gouvernementale secrète fut créée. Son but est de retrouver des personnes égarées dans une mauvaise époque et les ramener chez elles avant qu’elles ne puissent modifier l’Histoire.
Valérie Boucher et Karin Schuster sont deux de leurs agents, deux coéquipières ayant beaucoup de difficulté à travailler ensemble. Mais lorsqu’une de leur mission ne se passe pas comme prévu, la découverte qu’elles font soulève une question. Leur a-t-on vraiment tout dit sur la raison d’être de leur agence?
Mon avis
Je vais commencer en vous faisant un aveu doublé d’un avertissement. Ce 17 avril, je vais avoir 48 ans. J’ai vécu, contribué, vu ou je me souviens de plusieurs des événements dont il est question dans 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon. Il ne s’agit pas ici d’évaluer si le contexte d’un récit est crédible, immersif ou bien conçu. Dans une certaine mesure, il s’agit de MON histoire. De ce fait, mon objectivité est compromise.
Chapitre 1 : Le printemps érable. Val s’est endormie dans une assemblée étudiante où doit avoir lieu un vote pour la poursuite de la grève. Réveillée par Karin, elle dénigre le processus démocratique. Puis, elle nous explique. Extrait du livre : « Selon les informations que nous détenions dans ce dossier, la grève étudiante de 2012 avait débuté le 13 février de la même année. Cela faisait donc un mois et demi que des milliers d’élèves de CÉGEP et d’université se battaient contre la hausse des frais de scolarité prévue par le gouvernement provincial libéral en place. Cet événement avait produit un engouement sans précédent dans le mouvement étudiant dans l’Histoire du Québec. L’énorme manifestation du 22 mai 2012 en fut la preuve. Deux cent cinquante mille personnes sortirent dans les rues de Montréal pour s’opposer aux décisions du gouvernement concernant les frais de scolarité. » Suite à cela, afin de trouver leur anomalie, elles se rendent à une manifestation où devaient être les leaders du mouvement étudiant. Première chose que l’on sait, des casseurs arrivent, la police lance des bombes lacrymogènes et une autre équipe surgit et ramasse leur cible sous leur nez. Fin. Voilà. C’est un résumé succinct, mais assez précis de ce chapitre. Oui, d’accord, mais encore?
Le printemps érable a été polarisant. Il y avait ceux qui étaient pour cette hausse des frais de scolarité, d’autres qui allaient jusqu’à vouloir la gratuité scolaire. Certains ne voyaient que les dégâts causés, d’autres déploraient que des casseurs se soient mêlés aux étudiants. Il y avait eu une dénonciation de la brutalité policière. Ce fut le début des téléphones pour filmer des scènes qui auraient été ignorées sinon. Des matricules, dont le 728 sont devenus très connus et pas pour de bonnes raisons. La confiance envers la police a chuté. Un professeur s’est déguisé en panda pour se mettre en première ligne et protéger ses élèves. Le Québec en entier s’est mobilisé derrière ses jeunes. Dans toutes les villes, des citoyens sortaient à 20h pour taper sur des casseroles. Ce furent des semaines intenses et chargées en émotions. Et dans 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon, c’est réduit au résumé ci-dessus.
Vous me direz, avec raison, il s’agit d’une œuvre de fiction et non un cours d’Histoire. C’est vrai, mais, et ceci est valable pour la plupart des autres événements dont il est question dans 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon, en me disant de quoi il retournait via une courte présentation scolaire et en ne me le montrant pas, parce que les personnages ne font que passer, l’essence même de ces moments marquants a été perdue. Comme si on était passé à côté de quelque chose d’important. Ce n’est qu’un cadre pour un récit où se mêle science-fiction et romance et il en devient très secondaire. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que l’auteure a manqué de respect envers les personnes et les faits. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ce serait totalement faux. Néanmoins, avec mon objectivité partie en vacances sans préavis, je ressentais un malaise qui s’en rapprochait.
2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon ce sont les aventures de deux femmes, des partenaires au sein d’une agence qui tentent de faire de leur mieux pour sauver le futur, en voyageant dans le temps et en usant de ce qu’elles savent. Le récit tourne essentiellement autour de ces deux personnages principaux et je n’irai pas par 4 chemins, j’ai trouvé Val très antipathique. Elle est d’entrée de jeu négative, désabusée et cynique et lorsqu’elle tombe en amour, elle devient écervelée et irresponsable. Ce n’était pas pour la faire remonter dans mon estime. Dans l’absolu, ce ne serait pas un problème. Soyons honnêtes, si tous les personnages étaient gentils, aimants et compatissants, ce serait d’un ennui sans nom. Après tout, avec son caractère de merde, dixit le personnage lui-même, sa situation et son vécu, ses réactions sont crédibles et cohérentes. Ça reste un personnage bien conçu, réfléchi et très riche. Là où ça coince, c’est que le livre est écrit à la première personne. En général, ça ne me dérange pas. Au contraire, j’aime ça. Ça peut apporter un côté très immersif. Mais en l’occurrence, c’est Val qui nous raconte l’histoire! On ne peut échapper à ses réflexions. Et si on ajoute ça à ce que j’ai dit plus haut, ça commence à faire beaucoup. Selon moi, ce livre aurait gagné à être à la 3e personne ou alterner de point de vue entre Val et Karin. Ça aurait un peu dilué l’effet de Val, équilibré l’ensemble et j’ai trouvé Karin beaucoup plus sympathique. Née en Allemagne, elle a vécu la Seconde Mondiale. Elle a un passé complexe, difficile, et sa force pour aller de l’avant la rend très attachante.
Cela étant dit, ayant élaboré les deux principaux points négatifs, je ne vais pas chercher des poux ou m’acharner sur les détails et je vais plutôt passer à quelque chose de plus positif. Dans une atmosphère de science-fiction, 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon est avant tout une romance. Et cet aspect, l’auteure le maîtrise très bien. Elle a su à merveille prendre deux jeunes femmes qui ne s’entendaient pas très bien. Leur permettre de se découvrir et nous dépeindre l’évolution de leurs sentiments, de leur amour naissant, leur désir et leur passion. Je voudrais en dire plus, mais je ne sais pas comment le faire sans trop en dévoiler. Les romances tournent souvent un peu toujours à la même chose, néanmoins celle-ci avait une pointe d’originalité et elle était surtout très bien écrite.
Qu’en est-il de la plume de l’auteure, d’ailleurs? Elle est fluide et agréable à lire. En un mot, Judith Gagnon n’en est pas à son premier livre et çà se voit. Elle écrit très bien. Elle a peut-être une petite tendance à la répétition, cependant… Ce n’est pas vraiment un scoop. De ce que j’en sais, elle est en consciente, elle y travaille puis, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
En résumé, dans un mélange de science-fiction et de romance, 2489, tome 1 : Les Tempus-Liberatis de Judith Gagnon nous offre une rapide visite guidée dans le passé récent du Québec. Selon moi, le public cible de ce livre n’est hélas pas les Québécois… ou du moins ceux de ma génération ayant un peu trop de mémoire. Ce qui a joué sur mon appréciation globale. Cela dit, cela n’enlève rien à la qualité du livre. Alors, amis d’outre-Atlantique, aurez-vous envie d’avoir un aperçu de quelques moments marquants de mon pays? Qui sait, cela pourrait vous donner envie d’en apprendre davantage.
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